woensdag 10 februari 2010

Une opinion, parmi tant d’autres, sur Cureghem

Cureghem est mis à la une ces derniers temps: chacun y va de son opinion : l’un est contre la tolérance zéro, l’autre est pour … certains politiciens estiment même qu’il ne faut plus de bourgmestres à la tête des 19 communes bruxelloises, ….

 Quelques réflexions me viennent à l’esprit:

 Certes, il y a un problème avec certains jeunes de Cureghem, au même titre que chez tous les jeunes issus de quartiers défavorisés de notre capitale. Un jeune qui veut aller de l’avant, réussir à l’école, obtenir un diplôme et un emploi, devient souvent la risée des autres. Ce qu’il entendra durant son parcours c’est «  pourquoi étudier alors que tu iras quand même au chômage ». D’où leur viendrait alors la motivation d’aller encore à l’école ?

 La plupart d’entre eux sont en décrochage scolaire de plus en plus tôt. L’enseignement à horaire réduit a vu le jour lors de la prolongation de la scolarité jusqu’à 18 ans. C’était une réponse au fait que certains jeunes, de 16 ans, n’étaient plus motivés à aller à l’école. Mais cet âge-même baisse de plus en plus et c’est très tôt, trop tôt qu’ils ne sont plus motivés pour fréquenter l’école. Des jeunes entre 12 et 14 ans passent d’une école à une autre à cause de leur désintérêt, de leur problème de comportement, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus acceptés nulle part par manque de place.

 Il existe un nombre de jeunes, aussi restreint soit-il qui teste en permanence et, à regrets, avec succès les limites des adultes, des institutions et de l’autorité. La peur des adultes environnants au lieu de les effrayer et de les freiner dans leurs agissements, les renforce et les rend encore plus invulnérables.

 C’est un aspect des problèmes de Cureghem; mais il y en a bien d’autres.

 Il y a à Cureghem des habitants et des organisations qui, dans le cadre de leur travail, consacrent de nombreuses heures à rendre le quartier vivable sur le plan social et culturel, en y organisant des formations visant à l’obtention d’un emploi par le biais de l’insertion socio-professionnelle en tentant des nouer des liens entre les citoyens et les institutions représentées dans le quartier..

Les commerçants et les comités de quartier organisent régulièrement des évènements en vue de renforcer la cohésion sociale et permettre la mixité sociale. Certains employeurs et commerçants ont des mandats d’administrateurs dans plusieurs asbl travaillant dans le quartier.  On peut citer entre autres, NV Abatan avec son marché hebdomadaire et ses caves de Cureghem réputées au niveau mondial.  Il y a aussi au sein de Cureghem de plus petites entreprises, de multiples imprimeries et de nombreux commerces de proximité qui font en sorte qu’une vie économique est maintenue malgré la la pauvreté et le chômage galopant.

 Toutes ces personnes, toute cette population est en droit d’attendre des politiques un soutien et une aide à la mise en place de leur projet pour le bien de la collectivité et l’avenir de cette jeunesse en perdition fait partie des priorités de ce quartier.

Le constat est fait abruptement : les jeunes posent problèmes et que doit-on faire ?La réponse de certains est pourtant toute faite : Imposer la Tolérance zéro !

 Parmi tant d’autres, la criminologue J Christiaens (professeur en criminologie des jeunes à la VUB- 03/02/2010- De Standaard) a récemment expliqué que : La tolérance zéro ne sert à rien. C’est une solution à court terme afin de calmer les esprits.

Bernard Devos, Commissaire Général aux droits de l’enfant associe « Tolérance Zéro » à « Horizon Zéro » pour cette jeunesse déjà mise au ban de la société.

 Et quelles en seront les conséquences directes et connues de tous les spécialistes ?

 Cela coûtera énormément d’argent, celui des contribuables, de placer ces gamins en institutions fermées ou, pire encore, en prison. Encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de places disponibles …

Pour quel résultat ? Rien de positif, ni pour la collectivité, ni pour le jeune lui-même.

 De plus, après son séjour en prison, le jeune placé se sera refait un réseau de connaissances encore plus délinquantes qu’il ne l’était lui-même avant son incarcération et, revenu dans le quartier, il pourra se vanter d’être devenu un caïd. Son manque de reconnaissance de l’autorité ne sera que renforcé face à une justice qui l’aura trop fortement réprimé sans avoir cherché à le réinsérer tant qu’il était encore temps !.

 Egalement, si elle a le mérite de rassurer certains citoyens, la tolérance zéro peut amèner la police à se tromper ou dans la précipitation à commettre des erreurs lourdes de conséquences. Nous avons déjà vécu de telles expériences dans Cureghem : la police intercepte un jeune qui, comme tant d’autres, répond au signalement de basané aux yeux et cheveux foncés …  Ou encore la police ne trouve pas l’auteur d’un méfait et en attrape un autre de passage dans le quartier ; ce qui a pour conséquence des frustrations et de la colère chez ceux qui n’ont rien fait.

Que préconiser dès lors?

 La seule solution prouvée et approuvée par nombreux d’acteurs sociaux et de chercheurs est de travailler à la prévention, encore et toujours, aller à la rencontre des jeunes et de leurs familles, affronter leur pauvreté et comprendre leur situation afin de proposer des solutions adaptées à leur vécu, pousser encore plus les jeunes à s’accrocher aux études, à considérer l’école comme un lieu de réussite tout en veillant à ce que les établissements scolaires donnent un enseignement de qualité, avec des professeurs matures et expérimentés près à aider tous ceux qui en ont besoin et non pas seulement les plus doués, les plus gentils. 

 Et enfin, sans cesse former ceux qui ont déjà quitter l’école afin qu’ils restent actifs et les aider à trouver ou à retrouver du travail ! Les guider dans leurs démarches administratives. Une planification à long terme d’un tel programme de soutien ne peut qu’apporter des effets positifs et a, inéluctablement, le mérite de préserver la société de trop de délinquence tout en montrant aux jeunes concernés qu’ils sont partie intégrante de la société et de la vie active.

 En 1999, la VGC (Commission Communautaire Flamande) votait un programme d’action pour l’emploi et l’encadrement des jeunes. Plusieurs organisations comme l’Alhambra et le Kurasaw, le projet de Maks vzw virent alors le jour.  Ils s’occupent depuis très activement de la prévention dans le quartier, sans subsides de la Communauté Flamande, qui a, elle, décidé depuis le gouvernement précèdent qu’elle avait d’autres priorités …

 Même avec beaucoup de bonne volonté de la part des acteurs sociaux, sans moyens rien ne peut être sérieusement mis en place.

A regrets, le travail avec les adolescents est quasi inexistant à Cureghem et pourtant la jeunesse y est très nombreuse, tout comme en région bruxelloise où les près de 200.000 jeunes recensés en 2007 s’élèveront environ 250 000 en 2020.  Et 2020 c’est demain …

 Il faut agir de toute urgence même s’il peut paraître qu’il est déjà trop tard pour certains jeunes.

 Le quartier a besoin d'une AMO  fonctionnant avec et pour ces jeunes ou d’un WMKJ (Werking Maatschappelijk Kansarne Jeugd-(Maisons de jeunes travaillant avec des jeunes issus de milieux défavorisés) ) ou à une combinaison des deux qui ne peut que leur être favorable, également dans l’apprentissage des deux langues nationales que bon nombre d’adultes ne maîtrisent déjà pas à suffisance.

Les cours de soutien scolaire et de rattrapage ne sont pas en grand nombre dans le quartier et son nécessaire pour que ceux qui sont encore enfants actuellement soient aidés avant qu’ils ne soient trop tard pour eux. Ceux qui fréquentent des écoles de devoir s’en sortent fort bien et les jeunes qui fréquentent des centres de jeunes n’ont guère le temps de fréquenter des voyous.

 Pour les jeunes qui sont déjà en difficulté, mettons en place un programme d’encadrement global spécifique à ces jeunes à problèmes, établissons une coopération étroite avec les tribunaux de la Jeunesse, les SAJ ou le Comité Bijzondere Jeugdzorg dans le cadre de travaux d’intérêt général et qui, outre le remboursement de leur victime, permettront à ce jeune de prendre goût au travail et à s’investir pour la société dont il fait partie.

 

Imposons à ces jeunes, la participation obligatoire à des activités de réinsertion que ce soit en soirée ou en journée.  Il pourrait s’agir d’activités sportives, d’ateliers d’informatique ou artistiques, d’aides dans des centres de services. On pourrait envisager un encadrement professionnel qui assurerait une formation manuelle, des travaux de rénovation qui pourraient même être réalisés dans leur propre quartier, des stages pratiques seraient aussi utiles à ceux dont ce serait la première expérience professionnelle.

 Tout cela relève du possible et du réalisable et l’infrastructure est présente à Cureghem.  Mais cela demande de la volonté politique et beaucoup de travail sur le terrain. Les jeunes impunis ne peuvent continuer à commettre des délits, celui qui doit subir une punition restera dans son quartier et est puni devant ses copains. Accompagné par un personnel adéquat, en collaboration avec les parents et les habitants du quartier, et soutenu financièrement, la punition aura ici pour but le travail et, pour portée sociale, la réintégration soit dans le milieu scolaire ou dans la vie professionnelle – pour que ces jeunes deviennent de futurs citoyens.

 Les acteurs sociaux, les employeurs, commerçants du quartier, le personnel scolaire et les habitants ont tous intérêt à ce que la situation s’améliore et ce serait également au bénéfice de toute la collectivité de la capitale et des régions.

 Faire de la prévention coûtera bien moins cher que de multiplier la création d’institutions fermées surtout que la volonté des parents et des habitants est de vouloir s’en sortir avec leurs jeunes.  Utilisons la dynamique de ces quartiers au lieu de briser la bonne volonté et les espoirs de cette jeunesse.

 Cela peut également s’appeler « tolérance zéro » mais d’un point de vue social et non policier avec un programme d’action à long terme.

 Et surtout n’oubliez pas qu’il y a à Cureghem aussi beaucoup de jeunes qui ne font pas de problèmes, mais qui ont aussi des besoins. Quand on naît dans un milieu défavorisé, il est très difficile de rattraper le retard. Mais il s’agit là d’un devoir pour nos ministres de l’enseignement et de l’emploi

Veronique De Leener,

Pour Maks vzw et ses projets KureghemNet, Kurasaw Productions, Kurasaw Emploi

Veronique est coordinatrice de Maks qui travaille depuis 10 ans dans le quartier et qui atteint chaque année 1500 personnes

Maks vzw, rue G Moreau 110, 1070 Bruxelles

02 555 09 90